passant en même temps dans les deux sens, devient absurdement
illusoire; et plus nous la sentons illusoire, plus nous la
sentons tyrannique, inévitable, maîtresse de toutes nos relations
humaines.
Cette œuvre qui n’a pas d’articulations apparentes, nous
avons trouvé qu’elle était toute composée, qu’elle était une
combinaison d’équilibres et de correspondances subtiles.
Et elle fait d’abord penser à de la musique classique, avec sa
parfaite balance de l’émotion et de la forme, son entrelacement
subtil mais parfaitement clair des thèmes, et ses motifs
qui reviennent parfois à de très lointains intervalles, mais
qu’on reconnaît avec un plaisir délicat.
Elle a pourtant quelque chose de plus solide que toute musique
et elle s’est choisi à elle-même un autre symbole. Lorsque
Lily Briscoe cherche à reconstruire sa vision d’un morceau
d’espace, balance ses lignes et ses masses l’une contre l’autre—
une lumière ici, il faut une ombre là —on songe que c’est aussi
ce que fait Virginia Woolf; je l’ai comparée à Vermeer; mais
Vermeer est trop simple; c’est à Cézanne plutôt qu’elle devrait
faire penser, à Cézanne prenant à la Nature ses formes, et leur
imposant sa forme, les faisant entrer dans une composition
purement personnelle. Elle suit les mouvements, les rythmes
de la vie; elle les transcrit avec une réalité intense, admirable;
mais elle les intègre au mouvement et au rythme de sa pensée;
et ainsi leur assigne au delà de leurs valeurs originales, des
valeurs nouvelles, en fait des symboles. Elle est Lily Briscoe faisant
une œuvre d’art avec la substance de Mrs Ramsay.
J. J. MAYOUX.