long rayon calme, le dernier des trois, qui était son rayon; car
regardent les choses de cette humeur et à cette heure du jour,
on ne pouvait pas ne pas s’attacher à une plus particulièrement; 
et cette chose, ce long rayon calme, était son rayon.
Souvent, elle se surprenait, assise, à regarder, regarder, regarder
encore, son travail à la main, tant qu’elle devenait la chose
regardée, cette lumière par exemple. Et a lumière soulevait
avec elle quelque petite phrase, flottante dans sa tête <<les
enfants n’oublient pas, les enfants n’oublient pas>>, qu’elle répétait 
en y ajoutant…

C’était étrange comme dans la solitude on penchait vers
les choses inanimées; les arbres, les ruisseaux, les fleurs; 
comme on sentait qu’elles vous exprimaient, qu’elles devenaient
vous; comme on se sentait pour elles une tendresse irrationnelle
(elle regarda la longue lumière calme) comme pour soi-même…
elle la regardait fascinée, hypnotisée, comme si la lumière eût
caressé avec ses doigts d’argent quelque vaisseau scellé dans
sa tête qui en éclatant l’inonderait d’extase?...>>

Nous sommes donc au delà de la solitude, dans l’obscurité
et le silence intérieurs, où ne sont plus possibles que des communions 
mystiques où l’être tout entier, les résistances de sa
conscience engourdies, se confond avec un rythme. Là de nouveau, 
comme cela est inévitable, nous retrouvons le Zeitgeist,
et la mystique primitiviste des Lawrence et des Anderson
(sans compter la poésie pure). Il reste qu’elle est plus acceptable 
ici, que tout cela semble infiniment plus naturel et vrai,
beaucoup moins une sorte de <<revival>>: car Mrs Ramsay
appartient au sexe primitif; et sa créatrice aussi; et c’est
peut-être pour cela qu’elle suggère cette communion avec une
telle intensité; mais c’est parce qu’elle est une incomparable
artiste que les rythmes et les images qui en sont les symboles
se trouvent en même temps empreints de la plus éclatante
beauté. Il semble que la courbe émotive de Mrs Ramsay dans
toute cette partie du livre la représente, lui soit essentielle: 
trouver chaque âme humaine si fort absorbée en elle-même
que les relations des âmes entre elles sont comme une moquerie; 
leur faire partager la beauté et la joie de partager
la vie, de posséder en commun le monde; et puis retomber
dans une solitude plus riche, plus généreuse; mais aussi
plus définitive. Et peut-être est-ce aussi la courbe la plus